En tu corazón – 1938

Dans ton coeur

Música : Horacio Salgán – Letra : Carmelo Volpe

Traduction : Michel BREGEON

La flor que tu amor me ofertara,La fleur que ton amour m’a offerte
Prendida en medio de tu pechoÉpinglée sur ta poitrine
Aroma da.Donne tout son arôme.
Y asi, vivirà mi ilusiónAinsi mon illusion vivra
Porque sé que su amorParce que je sais que son amour
Su calor le darà.Lui donnera sa chaleur
Sus pétalos rojos reflejanSes pétales rouges reflètent
Fielmente la sed incontenibleFidèlement, la soif irrépressible
De mi amor.De mon amour.
Su símbolo rojo será para tu féSon symbole rouge sera pour ta foi
Testimonio fiel de mi corazón.Témoignage fidèle de mon cœur.

Versión 1938 : Orchestre : Juan D’Arienzo – Chant : Alberto Echagüe

L’histoire

Une fois n’est pas coutume, ce sont cinq protagonistes différents qu’il faut mentionner à propos de la valse « En tu corazón » enregistrée en 1938.

– Juan d’Arienzo, bien sûr, dont on reconnaît ici encore la manière très rythmée de conduire son orchestre sur un tempo très enlevé.

– Carmelo Volpe qui nous propose un texte très symbolique où la fleur devient l’emblème de l’amour : offerte dans un moment d’échange profond, elle scelle l’union des âmes. Son rouge ardent, reflet de passion et de désir amoureux, traduit l’intensité irrépressible du sentiment. Posée au centre du cœur, elle affirme la place essentielle de cet amour, à la fois fragile et éternel.

– Alberto Echagüe qui chante de façon brillante mais malheureusement trop brièvement (à peine trente petites secondes).

– Horacio Salgan, plus inattendu, qui a composé la musique et que l’on associe davantage à l’avant-garde du tango des années 1950. On découvre ici que sa fierté ne l’empêchait pas de composer aussi des œuvres plus simples. Il collaborera d’ailleurs à plusieurs reprises avec le parolier Carmelo Volpe dans le répertoire de D’Arienzo.

– Mais le plus remarquable est sans doute le pianiste Juan Polito, qui prouve qu’il s’est émancipé de l’héritage de Biagi en imprimant sa propre personnalité à l’orchestre. Dès la première mesure, ses notes sonnent comme un appel à la danse. Et à peine, l’orchestre marque-t-il ses premières respirations (à 00:07 et 00:14), qu’il remplit déjà l’espace sonore de ses octaves caractéristiques. Toute la suite de la première section est alors dominée par la contre-mélodie que Polito exécute tandis que la mélodie est confiée aux violons.

Dans la seconde section (à partir de 00:27), le refrain s’élève progressivement dans un élan puissant. La fin de la seconde phrase (00:44) est marquée par trois accords appuyés qui ouvrent un premier passage vers une séquence très mélodique joué par les violons. Les mêmes trois accords, encore plus insistants, annoncent alors l’entrée de la voix (00:55), comme une porte qui s’ouvre brusquement. Echagüe surgit, suivi de Polito qui orne de broderies les respirations du chanteur, comme il l’avait fait avec l’orchestre au début du morceau.

La suite (à partir de 01:22) devient un véritable festival pétillant de piano où Polito, par ses contre-mélodies, prend littéralement le pas sur le reste de l’orchestre. Un régal pour les pianistes… et pour les danseurs. On l’aura compris, ces derniers n’auront guère le temps de souffler pendant cette tempête musicale. Ils pourront cependant s’inspirer de Ezequiel Herrera et Maria Antonieta Tuozzo (Lugo, Espagne, 18/07/2015), pour trouver les quelques moments où la musique s’apaise un peu pour rompre le tournoiement de leur danse par quelques pas à peine moins endiablés.

Jean-Marie Duprez

Association de Tango Argentin depuis 1992